Coronavirus : quels effets sur l'immobilier d'entreprise ? - Article LA TRIBUNE
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mars 2020
Nombreux propriétaires-bailleurs reçoivent des demandes de suspension temporaire ou d'étalement des paiements de loyers.

Le Covid-19 aura-t-il la peau des investissements dans l'immobilier d'entreprise ? Pour l'instant et a priori, non. "Depuis déjà quelques semaines, la question pouvait se poser notamment au regard de la typologie des locataires", relève pour La Tribune l'avocate associée en droit immobilier au cabinet Goodwin, Sarah Fleury. "Cela s'amplifie: ce qui est un phénomène tout à normal."

En attendant, la foncière Covivio, implantée en Allemagne, en France et en Italie, a, elle, annoncé, le 18 mars, poursuivre l'achat de Godewind AG spécialisée dans les immeubles de bureaux. Les loyers fixes payés par de grands groupes dans ce domaine représentent en effet près de 57% de ses revenus de 2019. En revanche, sur l'activité hôtelière, qui a représenté 18% de ses gains l'an dernier, le virus a impacté la part variable, soit 9% du total. Le revenu par chambre disponible (RevPar, Ndlr) des hôtels en murs et fonds a en effet baissé de 11% depuis le début de l'année.

La logistique moins risquée

Dans ces conditions, faut-il s'attendre à une redistribution des cartes pouvant favoriser de nouveaux entrants ? "La logistique semble, de prime abord, moins à risque", estime Sarah Fleury. Le 17 mars, l'acteur européen Logistics Capital Partners, présent en Belgique, en Espagne, au Luxembourg, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, a annoncé son arrivée en France avec l'ouverture d'un bureau parisien.

"Contrairement à la crise des subprimes, où les fonds américains désinvestissaient très vite, remplacés par notamment les assureurs français, la situation est très différente ; la comparaison ne peut tenir", commente l'avocate, en référence à la crise de 2008.

Des cas de force majeure ou d'imprévision

Il n'empêche; même si de grands groupes se félicitent d'acquisitions stratégiques, nombreux propriétaires-bailleurs reçoivent des demandes de suspension temporaire ou d'étalement des paiements de loyers au nom de la situation exceptionnelle. "Si elle est retenue, elle n'exonère que les dommages et intérêts liés à un retard de paiement de loyer et non le paiement du loyer, qui reste dû", précise Sarah Fleury.

Autre possibilité: la théorie de l'imprévision, ou lorsqu'un événement inattendu, comme le coronavirus, vient perturber la perception du loyer. "C'est la théorie selon laquelle un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie, laquelle entend par suite renégocier le contrat", décrypte l'avocate. Là encore, elle ne peut pas être utilisée dans tous les cas.

Des médiations contractuelles dématérialisées

Quoiqu'il en soit, le bailleur-propriétaire a tout intérêt à accepter de négocier avec son locataire-preneur à bail, ne serait-ce pour que ce dernier "reste en bonne santé financière et entame avec lui, au besoin, des discussions constructives", souligne Sarah Fleury. En d'autres termes, afin qu'il continue à payer et qu'il demeure dans ses locaux.

Malgré le confinement, les médiations contractuelles peuvent en outre se poursuivre. Les avocats ont effectivement l'habitude d'organiser des conférences téléphoniques, d'utiliser des coffre-forts numériques sécurisés (data rooms, Ndlr), et de recourir à des systèmes de signatures électroniques.

SOURCE: La Tribune